Evochron Legacy

Revue d’un jeu vidéo

TL;DR: Eurotruck Simulator dans l’espace. Mieux codé, mais vraiment ne vous attendez pas à du fun en barres, c’est un jeu pour passer le temps.


Historique

J’ai longuement joué à Evochron Mercenary, hors Steam. Je l’ai entièrement traduit pour les (rares) francophones qui en avaient besoin. J’ai réécrit le Technical Flight Manual créé par un fan, qui donne des informations étendues sur tous les aspects de l’univers, des vaisseaux aux technologies employées… J’ai même écrit un outil de triangulation en Javascript pour trouver les planètes cachées.

Alors est-ce que je recommande Evochron Legacy ? Bien sûr. Mais il faut comprendre une chose : c’est développé par un seul homme, dans son coin.

Le rêve d’un seul homme, le cauchemar de milliers d’autres

Le côté positif, c’est que comme il est très à l’écoute et qu’il fait ses jeux depuis des décennies, il y a de très nombreuses fonctionnalités et très, très peu de bugs. Pour vous donner une idée, si vous vous trouvez à court de carburant dans un secteur isolé et que vous demandez de l’aide à Vice, il vous offrira de vous replacer à un secteur paisible en lui envoyant votre sauvegarde. C’est le genre de développeur qui joue à ses jeux, et ça se ressent. Atterrissage sur les planètes avant Elite: Dangerous, nombreux types de contrats, création de votre propre vaisseau (en choisissant sa forme et ses composants), construction de stations et de villes, deux factions et une race hostile, courses de vaisseaux, multiples carrières possibles (du simple mineur au pilote de combat donnant des ordres à sa flotte), recrutement de membres d’équipage, objets cachés, et j’en passe. Il y a tout ce que les autres ne font qu’à moitié. Eh, à part Elite, il y a peu de jeux qui vous permettent de configurer des raccourcis de manettes : quasiment toutes les commandes tiennent sur un contrôleur XBOX 360 si on le configure correctement.

Le côté négatif, c’est aussi que ce n’est développé que par un seul homme. Les graphismes sont, on ne va pas se le cacher, assez moches (même si l’on voit l’amélioration au fil des itérations de la série). Le HUD de base est très encombré quand on le compare aux trois grands du genre que sont Elite: Dangerous, Star Citizen et la série X, ce qui offre une UI horrible. Les sons sont un poil meilleurs que ceux que l’on retrouve dans les jeux gratuits à la Oolite, mais les mouvements de caméra y sont les mêmes : inexistants. Ce qui fait que la sensation du pilotage pourrait être grandement meilleure : c’est un réel plaisir de faire des manœuvres dans le vide en sortie de station dans Elite, et c’est juste fade dans Evochron. Ce développeur brille plus par son code que par le reste, il faut bien avouer.

Vice ne peut se permettre d’avoir une communauté plus large, et pourtant c’est bien de cela dont il a besoin. Il y a deux-trois serveurs qui se battent en duel, mais c’est suffisant pour le nombre de joueurs. Non, je parle plus des mods. Parce que oui, tout ou presque est modable dans Evochron. Du HUD à la texture des planètes, de la police d’affichage aux vaisseaux et cockpits. Vice fournit même tous les outils nécessaires. Le souci de la taille de la communauté joue alors un rôle important : le nombre de mods est très, très limité. Vous voulez augmenter la résolution des textures ? Il n’y a qu’un mod pour cela. Changer les sons ? Il y en a deux, maximum. La musique ? Un seul. Même pour le HUD vous n’en trouverez pas plus de trois encore fonctionnels. Et pour tout ce qui est des modèles 3D des divers objets et cockpits, il n’y en a pas. Ah si, un pour les arbres. Youhou.

J’ai donc passé plusieurs jours à créer mon HUD minimaliste, avec son UI aux petits oignons, et j’en ressors avec cette impression : il y a tout pour aller taquiner les grands au niveau du code, il manque sans doute des mouvements de caméra pour que l’on sente que l’on pilote un vaisseau. Mais pour le reste, c’est un jeu à construire soi-même. Avec de meilleurs assets et une meilleure UI, on aurait une véritable pépite à la Helium Rain, la communauté et les fonctionnalités en plus.

Monotonie : à comparer avec Mercenary

En 50 heures, j’ai le meilleur vaisseau possible, la seule carotte pour me faire avancer ce sont mes rangs de réputation, et il est peu probable que je cherche à les grind tellement ce serait long et monotone (j’aurais plus vite fait de me trouver un second boulot). Un rapide calcul me fait comprendre pourquoi moins de 0,5 % des joueurs ont les succès Steam. Au train où je vais, il me faudrait 500 heures pour terminer les rangs en civil, et probablement autant pour les rangs militaires. La monotonie est présente.

Le système de factions a été simplifié depuis Mercenary : on est passé d’une dizaine de factions à… deux. Là, dans l’état des choses, ça ne fonctionne pas : je traverse un système à 29 % d’occupation alliée, je vaque à mes occupations, et quand je reviens il est tombé à 7 %. Et c’est un système en plein centre de la zone de ma faction ! L’ennemi arrive et progresse, il ne prend aucune station ou quoi que ce soit, juste sa barre de progression se remplit jusqu’au moment où elle est assez pleine pour que l’on voit popper des vaisseaux hostiles un peu partout. Et vous savez quoi ? On ne peut rien faire pour l’en empêcher. Les stations sont censées offrir des contrats de combat, mais en 50 heures je n’en ai vu aucun, même dans les zones disputées. Au moins dans Mercenary, on avait ce genre de contrats pratiquement à chaque station vu que tout le monde était en guerre contre son voisin, il y avait moyen de faire bouger un peu les lignes, ça faisait monter notre rang militaire, et changeait de la routine. Donc vous en êtes réduits à faire les contrats civils proposés aux stations, on en a fait le tour en quelques heures. Il y a de belles trouvailles, des trucs funs à faire une fois ou deux, mais les contrats ne changent rien, ils ajoutent simplement 1 point à votre rang civil (sur 1000 !), et à peine plus d’argent que ce que vous ramasseriez en vous baissant dans un couloir. Je ne vois pas comment on peut passer 500 heures sur ce titre, très sincèrement. C’est frustrant : ce space sim a toutes les fonctionnalités des autres réunis, mais il est aussi très, très vide, et une fois passée la découverte des premières heures, sans aucune saveur. Il n’y a aucune sensation d’accomplissement. Hourra ! j’ai passé le rang Compétent, je vais gagner 2 % de plus sur la misère que me rapporteront les 300 contrats supplémentaires que j’ai à effectuer pour atteindre le rang suivant…

Si j’ai tenu 50 h, c’est simplement parce que j’avais besoin cette semaine d’une activité vide de sens, de manière thérapeutique, et que pour faire le plein c’est mieux de se balader dans une nébuleuse que sur une aire d’autoroute.

Verdict

C’est donc avec une certaine amertume que je recommande ce titre, en sachant qu’il est un potentiel gâché. Ce sera sans doute le dernier StarWraith que j’achèterais. Ce jeu souffre de la dette technique accumulée depuis les débuts de la série. Vice en est conscient, mais il y a peu de chances qu’il refonde entièrement le jeu, ce dont il aurait besoin pour attirer de nouveaux joueurs.

Si vous n’avez pas peur des graphismes dépassés, foncez.

Si vous voulez un Eurotruck Simulator dans l’espace, moins cher et plus brut de décoffrage qu’Elite, avec la même absence de réflexion sur l’UI et la QOL qu’Eurotruck, allez-y.

Si vous êtes du genre à faire vos propres packs de texture Minecraft parce que la base c’est bien mais ce serait quand même mieux que les champs de blé soient animés en donnant l’impression d’une douce brise, allez-y, vous aurez amplement cette satisfaction.

Mais ne l’achetez pas si vous vous dites « de toute façon je trouverai bien un mod », la réponse est non.